" (...) Moi aussi Ida, je m’étais rêvée flamboyante. Je m’étais rêvée habiter une forêt luxuriante. Peuplée d’oiseaux déployés, du fracas de leur séduction. Une forêt dont les branches s’étirent de notes douces et de joies de fruits frais. Jouissant de la pluie et de l’aube.
Mais j’ai pris la pluie Ida, une pluie torrentielle. Au lieu d’insectes, ce sont des gouttes cendrées, s’abandonnant d’un nuage opaque et rouge, qui tombaient sur ma peau. À mes pieds, des ossements de femmes tenaient lieu de fougères. Au lieu de branches, j’étais à l’ombre de colonnes fumantes. Et j’entendais, au lieu du bruissement des feuilles, l’écho des déflagrations lointaines. Je me suis vue ravir ma danse pour marcher sur des sentiers sans terre.

L’inquiétude me gagne Ida. Savoir que des oiseaux en asphyxient d’autres, leur criant de se taire. Et que ce ne sont pas eux qui tombent. Eux, incendient de leur plein gré pour dévorer plus loin ceux qui tentent de fuir. Eux, sont de ceux qui envoûtent et qui souillent.
Je ne sais pas combien de temps encore tu pourras rêver parcourir ta forêt. Y laisser grandir la végétation de ton rire. Mais ne les laisse pas semer ce qu’ils veulent sur ta terre, tout en te faisant croire que tu le fais pour toi. Parce que pour y parvenir, ils y mettraient le feu. (...) "

Extrait de Ida. Le Feu.

Manon Payelleville

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